lundi 24 juin 2013

C'est Quand Qu'on Va Où ?

Trois mois, comme un quart d'année. Et comme un bout de vie d'émigré qui a valeur d'étape, histoire de mettre en perspective le chemin parcouru. Ou d'essayer au moins, pour voir.

J'ai lu pendant le processus d'immigration des centaines d'avis en tous genre sur les expériences vécues par mes prédécesseurs ici. On y trouvait de tout. De la joie extatique, des tentatives de comparaisons scientifiques, et internet oblige, des flots de ressentiment, des lamentations pathétiques.
J'avais l'espoir d'y trouver mon clone en exil, des réponses en forme de pop up à quelques milliards d'interrogations foutrement complexes. Et aussi insolubles.

Mon vécue ici ma permet déjà de proclamer de manière outrageusement pédantesque, que non, toutes ces recherches virtuelles ne servent à rien, et que oui, c'est en vivant / kiffant la vibe / galérant ici qu'on est seulement à même de se faire une vraie idée de ce dans quoi on a mis les pieds.
On m'objectera peut être que oui mais bon, quand même, ça coute des thune c't'affaire là, faut quand même bien être sûr, pas regretter ensuite etc etc. Ce à quoi j'aurais envie de répondre que oui mais en fait non, un désir de changer de vie ne se mesure pas comme ça.

Car enfin oui c'est bien de ça qu'il s'agit, changer de vie. Pas un plan de carrière soigneusement planifié (quelle horreur), ni un projet d'investissement mais plutôt un foutu grand saut dans l'inconnu (et au delà), avec si possible le vent dans le dos, et on avisera ensuite de la couleur du parachute. Rip it up and start again.
Bien sûr on ne coupe pas les ponts aussi brusquement avec tous et tout le monde, ça va de soi.
J'ai toujours ma carte d'identité française à quelque part, je fronce encore régulièrement les sourcilles lorsqu'on me propose un napkin, et mon accent anglais fait toujours rire les locaux.
Mais je ne suis aussi à l'évidence plus tout à fait le même non plus : je suis le membre de la famille ou le pote parti loin, et vous êtes les gens que j'aime un peu, beaucoup ou un peu beaucoup et que j'ai laissé, et que je suis pas sûr de revoir bientôt.
Et oui ça fout les boules des fois, car même si l'exercice est mortificatoire, la tentation de penser à l'avant, et de comparer est souvent présente. Un soir de pas grand chose ou un jour de trop de bof, et voilà qu'on se dit que, peut être...que quand même, avant...
Et c'est alors l'occasion de se mettre une bonne baffe mentale, et tel Siddharta atteignant l'éveil sous l'arbre pipal, de botter le cul des sentiments négatifs et de la grande noirceur nostalgique.

Car enfin j'étais pas arrivé jusqu'ici pour enrichir les fabricants de nouilles instantanées nord-américains, mais plutôt pour pas mal d'autre choses qu'il me fallait faire, essayer, découvrir, ressentir. On me passera le lyrisme façon collégien, ou plutôt non, j'assume, après tout l'idée c'était aussi de voir ailleurs si j'y suis, et pas assister au débarquement de la trentaine avec une gueule de bois tenace.
Et donc découvrir. Tout, n'importe quoi.
Et la bonne nouvelle dans tous ça c'est que ça fonctionne : des flâneries dans la Capitale aux ruelles enverdurées du Mile-End en passant par les panoramas rustiques de la périphérie, la dépaysement est bel est bien là. Et aussi le sentiment un peu bizarre d'y être aussi de plus en plus chez soi, comme ces tics de langage dont on se serait bien gausser il y a peu, et qui démangent maintenant le palais.

Cet aperçu un peu bancal et foutraque vaut ce qu'il vaut, mais il aidera peut être l'un ou l'autre à y voir plus clair dans son projet.
Quoique non, encore une fois: lancez vous.




dimanche 28 avril 2013

L'Amérique


Le temps est une chose relative. Il s'étire parfois interminablement, ou semble d'autre fois défiler à toute vitesse. Tout comme ce premier mois ici, qui bien que ne durant pas plus de 31 jours, a été à ce point riche que j'ai peine à croire que mon arrivée ne remonte pas à plus loin en arrière.
Tentative de premier bilan donc. Tentative seulement, parce que condenser en quelques lignes ces journées particulières est forcément un peu vain, un peu maladroit. 

L'immigration, si longuement préparée et délibérée qu'elle soit, est d'abord un déracinement. Difficile -impossible?- de larguer les amarres vers l'inconnu, aussi séduisant soit-il, sans ressentir un malaise plus ou moins palpable à l'évocation de l'avant : les spectres mélancolique d'une vie confortable et routinière qu'on a décider de bousculer. Avec des rêves plein la tête évidemment, avec pas mal d'incertitudes aussi. 
D’où les sentiments contradictoires qui m'ont assailli lors de mes toutes premières journées québécoises : soulagement d'y être enfin arrivé bien sûr. Mais aussi impression tenace de solitude, alors que je sens que la séparation d'avec ceux que je laisse en France sera bien la partie la plus compliquée de cet « exil » volontaire. Trois journées environ de ce spleen de l'immigrant, avant que je prenne, simplement, le temps de ne rien faire de spécial, de me laisser aller au travers des rues de ma nouvelle ville. Et de mesurer la chance qui m'est donné, les découvertes innombrables qui s'annoncent : lieux, gens, sensations...toutes ces dépaysements pour lesquels j'ai décidé, il y a bientôt deux ans, de me lancer enfin dans cette aventure. Les journées, puis semaines qui suivent ne font que confirmer le propos : oui ça en valait la peine, et plus encore. Évidemment n'y a pas de boulevard doré offerts à celui qui arrive ici. Il faut compter ici comme ailleurs avec les mauvaises surprises, les jours moroses, les envies de rien. 
 Est-ce que les choses sont plus compliqués quand on arrive seul ? Sans doute, dans tous les cas la seule solution consiste toujours à bouger, sortir de sa zone de confort pour ne pas se morfondre indéfiniment. Et les occasions ne manquent pas : expos en tous genres, animations universitaires, « impro-bd »....j'ai eu droit en un mois à un bel éventail des sorties possibles par ici, de quoi me rassurer sur le potentiel de la ville de Québec. Et c'est sans compter les balades en forme de flânerie à travers les rues, avec les kilomètres qui s’enchaînent vite. Entre la vieille ville, la haute-ville et la basse-ville, il y a dans la capitale québécoise de quoi dépayser plus d'un voyageur : du vieux, du monumental, du kitsh, du de bric et de broc, du contemporain ; des influences françaises, anglaises, purement canadiennes ou américaines...
L'une de mes principales craintes de nouvel arrivant étant la recherche d'un emploi, avoir trouvé ma fameuse première expérience québécoise après à peine un mois de présence et moins de trois semaines de recherches est plus que réconfortant. Les comparaisons ne sont pas toujours judicieuses, mais à ce sujet la différence avec les galères de recherche infructueuses en France sont assez inévitables... Le jeu des différences étant souvent bancal je m'arrêterai là pour le moment, mais je terminerai quand même en précisant qu'un mois d'immersion me permet déjà de confirmer les ragots sur la sympathie des québécois. On ne peut jamais généraliser, mais j'ai l'impression qu'il y a ici comme un déficit de ronchonnement dans l'air, et ça fait plutôt du bien !



dimanche 30 décembre 2012

Pourquoi ?


Oui, pourquoi ? C'est LA question rituelle qui reviendra bien des fois aux oreilles du candidat à l'immigration, avant et après son départ.
Question légitime, sans doute. Qu'on peut agrémenter au choix par : "pour faire quoi ?", "pourquoi à [entrer la destination choisie] ?", sans oublier les arguments liés au degré de chauvinitude de l'interlocuteur concernant la qualité de vie française, le système de protection sociale ou même la gastronomie. Ce qui mène fatalement au revers supposé des dits arguments, soit pêle-mêle et concernant le Canada/Québec, l'ultra-consumérisme, le climat himalayen et la bouffe sensément infecte.
Des idées souvent un brin outrancières, mais qui additionnées au fait de s'en aller pour une durée indéfinie en laissant famille, amis, boulot et cie derrière soit, appellent quand même bien une réponse, ou un début de réponse à défaut.
Parce que des raisons de s'en aller tenter quelque chose ailleurs, il y en a surement autant que d'immigrants, et que ces même raisons peuvent elles-même évoluer avec le temps, et sont finalement souvent peu évidentes à formuler... Partagé entre pas mal d'explications  plus ou moins obscures, j'ai moi même un peu de mal à répondre clairement à la dite question, si ce n'est par un "et pourquoi pas ?" pas si loin de la vérité.
S'en aller voir comment ça marche (ou pas) ailleurs, découvrir, essayer, expérimenter, respirer autre chose, se perdre dans des endroits inconnus...et pourquoi pas ?
Mais le mieux est peut être encore de laisser la parole a d'autres qui ont bien mieux exprimé cette envie de voir ailleurs si j'y suis :

"Dans 20 ans, tu seras plus déçu par les choses que tu n'auras pas faites que par celles que tu auras faites. Alors largue les amarres, sors du port, attrape les alizés dans tes voiles. Explore. Rêve. Découvre".
Mark Twain

et aussi, surtout, Henry David Thoreau, auteur de l'indispensable "Walden ou la vie dans les bois" (1854) :

"[...] je voulais vivre suivant mûre réflexion, n’affronter que les actes essentiels de la vie, et voir si je ne pourrais apprendre ce qu’elle avait à enseigner, non pas, quand je viendrais à mourir, découvrir que je n’avais pas vécu. Je ne voulais pas vivre ce qui n’était pas la vie, la vie est si chère ; plus que ne voulais pratiquer la résignation, s’il n’était tout à fait nécessaire. Ce qu’il me fallait, c’était vivre abondamment, sucer toute la moelle de la vie, vivre assez résolument, assez en spartiate, pour mettre en déroute tout ce qui n’était pas la vie, couper un large andain et tondre ras, acculer la vie dans un coin, la réduire à sa plus simple expression […]"

Je ne sais pas encore exactement tous ce qu'il y aura dans ma valise pour Québec, mais je sais qu'il y aura de la place pour Thoreau :)



dimanche 18 novembre 2012

Carry On

Un courrier trouvé dans ma boite au lettre la semaine dernière, après deux bonnes semaines de vacances...
Ou plutôt pas un mais LE courrier : "Confirmation de résidence permanente (...) vous devez arriver au Canada au plus tard le 6 septembre 2013"
Et voilà.
Le bout de la route. 
Ou bien le début ?
En tous cas un vrai grand soulagement, d'autant plus que cette procédures d'immigration canadienne aura au final été pour moi d'une durée plutôt correcte : 1 an et 4 mois environs entre ma DCS auprès du Québec et la CRP. 
C'est à la fois beaucoup, surtout quand on a aucune nouvelles et que le doute refait surface, mais aussi bien peu comparé aux délais que connaissent bien des candidats à l'immigration, spécialement ceux issus du Maghreb par exemple, pour qui les délais peuvent facilement être doublés, voir triplés.
Et je me considère d'autant plus chanceux que, comme l'a déjà relayé ce blog, l'immigration vers le Canada s'est depuis plusieurs mois passablement complexifiée. 
Mais c'est donc au final maintenant que tout commence réellement, comme pour un sommet qu'il faudrait  d'abord gravir pour avoir une vue plus dégagée du sommet. Une vue excitante et pleine de promesses, mais qui peut aussi donner un peu le vertige..!



samedi 8 septembre 2012

5€/mn

Ultime démarche (et dépense) avant le grand saut, la visite médicale fait suite aux Instructions de Visite Médicale (IVM). Celles-ci sont délivrées par le Service des visas parisien après réception et validation du dossier fédéral, qui aura d'abord transité par le "Bureau de réception centralisée" de Sydney, en Nouvelle-Écosse. Autant dire que plusieurs mois s'écoulent facilement entre l'envoi du dossier et la dite démarche : dans mon cas pas loin de 5 !
Une fois le précieux document reçu (par mail), il suffit de prendre rdv avec l'un des médecins agrées par CIC, ce qui n'est pas forcément si évident puisqu'ils ne sont par exemple que 11 en France à être concernés (dont 4 à Paris) :
 http://www.cic.gc.ca/dmp-md/medecins.aspx
 Mais pas la peine de se plaindre : les candidats originaires du Bhoutan n'ont le choix qu'entre deux médecins, et ceux de la République Démocratique Populaire de Corée ne disposent quant à eux pas du moindre médecin désigné.
Les choses étaient un peu plus simple pour moi puisque j'habite à 40mn de ter de Nancy et donc du cabine du Dr Grandclaude, à qui je rendis visite le surlendemain de ma réception des IVM, soit le matin du 6 septembre.

N'étant pas inquiété par un quelconque problème de santé, cette étape fut dans mon cas purement formelle, même si je manifestais du reste une certaine anxiété en apprenant que la projection de dessins-animés lors des prises de sang était réservée aux enfants...
La visite chez le médecin agrée consiste en une série d'examens de santé basiques : poids et taille, vue, ouïe, gorge, réflexes, dos....et testicules. Un questionnaire détaillé sur les antécédents ou affections médicales en cours doit également être rempli avant la visite. Ma photo d'identité (3 à rapporter) est alors agrafée sur le dossier médicale, surmontée d'un joli tampon à feuille d'érable. Le tout dura environ 1/4 d'heure, et c'est le chèque de 75€ dont je m’acquittais en sortant qui est à l'origine du titre de ce message. Car tous cela coute de l'argent, et n'est bien évidemment pas remboursée. Je suis ensuite expédié avec deux autre documents auprès d'un cabinet de radiologie et d'analyses médicales, qui enverront leurs conclusions au médecin agrée chargé de centralisé le tout pour le Service des visas. La radio pulmonaire (qui nécessite une position tout à fait ridicule et inconfortable) me coute 30€, et les analyses (prise de sang, sans dessin animé donc, et analyses d'urine) 36,18€. Soit un total de 141,18€, pour environ 1h30 de démarches trajet compris.
Reste ensuite à attendre sagement la prochaine étape décisive, soit d'ici quelques petits (?) mois la mention "décision prise" sur le dossier d'immigration, préalable à la tant attendu CRP, la Confirmation de Résidence Permanente...




 

vendredi 7 septembre 2012

Games Without Frontiers

Une fois le CSQ en poche commence la 2ème (et non moins fastidieuse) phase des démarches d'immigration. Notre patient candidat à l'exil a maintenant à préparer son dossier fédéral, c'est à dire à destination du Canada, qui a quand même son mot à dire sur qui vient ou pas s'installer dans la patrie de l'orignal et de la poutine de minuit. En théorie il s'agit principalement de vérifications d'usage concernant notamment le casier judiciaire et la santé du postulant, le Québec restant seule gestionnaire de son immigration concernant les critères économique et linguistiques. En pratique, le dit dossier fédéral se traduit quand même par une (nouvelle) jolie somme de paperasse à (re)remplir, soit un nombre intimidant de formulaires en tous genres aux noms aussi louches que IMM5620F ou IMM5406F.
 Tout est heureusement expliqué de manière très *ahem* claire sur le site de Citoyenneté & Immigration Canada : http://www.cic.gc.ca/francais/immigrer/quebec/demande-trousse.asp#bureau_visas

 Mais puisqu'une fois arrivé là le plus dur est parait-il fait, il est d'usage de remonter virilement ses manches et de se lancer avec force abnégation dans l'aventure inoubliable du dossier fédéral... Avec à la clé une nouvelle période* d'attente.

*très longue

lundi 21 mai 2012

Et après ?

Nouvelle épreuve de force majeure pour le mouvement étudiant québécois : le gouvernement Charest vient de dégainer sa "loi 78", véritable loi d'exception destinée à casser ce qui est devenu le "printemps érable" :
http://www.rue89.com/2012/05/19/quebec-une-loi-dexception-pour-casser-le-printemps-derable-232310

Les associations étudiantes, syndicales, ainsi qu'une part importante de l'opinion publique se sont indignés des répercussions de cette loi, qui remet en cause des droits fondamentaux tel que le droit de grève sous prétexte de chercher une sortie de crise...
 http://www.ledevoir.com/politique/quebec/350475/loi-78-abus-de-pouvoir

Depuis les manifestations nocturnes continuent, et un nouvel appel est, entre autre, lancé pour la journée de demain...